La question centrale de la philosophie antique était de savoir comment vivre une vie bonne et vertueuse, et c'est justement ce que nous allons explorer avec la maternité, qui constitue en effet une grande partie de notre identité de femme. Comment vivre notre maternité ? Qu'est-ce que la maternité ?

Si la maternité se partage entre toutes les femmes, nous ne savons pas pour autant ce qu'il en est. Nous connaissons l'amour maternel qui se rapporte à la tendresse, l'attention, l'amour inconditionnel, la sécurité intérieure. La maternité, c'est aussi une transmission de savoirs et de devoirs, de femme en femme. Est-ce qu'elle commence avec la puberté ou lors de nos premiers jeux où nous imitons maman et papa ? Se termine-t-elle avec la ménopause ? Pourquoi la maternité et l'accouchement bouleversent-t-elles autant les femmes ?

L'enjeu d'approfondir nos connaissances en maternité est bien d'actualité. Les expressions comme la "surmédicalisation de la maternité", la "pathologisation du corps maternel", les "violences obstétricales", la "naissance respectée" et l’"humanisation de la maternité" sont aujourd’hui courantes et font parties du débat publique. Nous retrouvons aussi l'utilisation de concepts éthiques comme "consentement libre et éclairé", "autonomie", "information", mais que signifitent-ils vraiment ?

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Les nombreuses avancées techniques et médicales provoquées par les révolutions industrielles du XXème siècle ont transformé notre société, notre économie et nos conditions de vie. Ces bouleversements ont apporté autant de défis éthiques dans le système de soins en maternité, qui s’est ainsi complexifié par le nombre d’intervenants, d’examens, de spécialisations, de structures, d’interventions, de connaissances, et de technologies. L'hôpital et les établissements de maternité sont ainsi progressivement transformés en une industrie de la naissance. Les théories du management d'abord fordiste, puis le Lean Management, protocolisent le prendre soin pour soigner en masse et atteindre une rentabilité financière déterminée à l'avance.  

Alors que la maternité est une expérience de la vie d’une femme, singulière et unique à chaque enfant, nous nous retrouvons soumises à cette complexité de l'industrialisation de la naissance. Elle nous déshumanise et nous objectifie, nous standardise et nous désapproprie de notre expérience personnelle et de notre humanité, nous assignant souvent au rôle de "productrices de bébés". Cette complexité nous rend passives. Pourtant, la maternité et la naissance ne traitent-elles pas essentiellement du vivant et de l'humain ? La maternité est aussi le lieu des oppositions complémentaires de notre être. Nous sommes partagées entre la vie et la mort, la joie et la souffrance, la vulnérabilité et la puissance. Il y a une transformation, un avant et un après, un nouveau rapport à soi, à son corps, à la vie, et à la communauté. L’accouchement n’est-il pas l'évènement d'une double naissance, naissance de notre bébé, naissance à soi-même ?

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Aussi s'ajoutent la législation encadrant l'avortement, les mères porteuses et les procréations médicalement assistées, les discours sur les modes d'accouchement, sur les femmes et le genre qui défendent des modes d'être et de vie. Les technologies de la reproduction humaine donnent des possibilités aux hommes et aux femmes qui redéfinissent les contours de la maternité traditionnelle. Cela nous interroge, alors que les femmes et la maternité traversent justement une crise. Le taux de dépression chez les mères est de plus 15% et le suicide maternel est aujourd'hui selon les pays la première cause de mortalité maternelle avec les maladies cardiovaculaires. Quelle a été la maternité d'hier et que sera-t-elle demain ? 

Si la maïeutique est un art de l'accouchement pratiqué par la sage-femme, elle est aussi l'art exercé par la philosophe qui vous accompagne dans votre naissance à vous-même. Nous avons besoin de philosophie pour penser les facettes de la maternité et les enjeux éthiques de notre temps, forgé par la technique et la rationalisation. L’éthique des soins, qui questionne les pratiques soignantes et institutionnelles, offre ainsi une présence humaine dans les bouleversements qui touchent la maternité. La philosophie est une démarche pour questionner le monde de la maternité, nos croyances sur la maternité. Elle crée du sens là où il en manque, et en maternité, il y a bien matière à réfléchir.